Si les véhicules électriques coûtent plus cher que leurs homologues à essence, c'est que leurs batteries coûtent cher à produire, c'est d'ailleurs pour compenser cette différence de prix que les gouvernements offrent des subventions à l'achat de ces véhicules. Secret corporatif oblige, on ne sait trop combien les constructeurs automobiles paient présentement pour le kilowattheure (kWh) - l'unité qui mesure l'énergie emmagasinée dans les batteries. Cependant, ce coût serait en forte baisse. Si l'on en croit la revue Nature, de réputation internationale, qui a publié dans sa division Climate Change une étude selon laquelle le coût aurait chuté de 1 000$ US le kWh en 2007 à 410$ US en 2014, il serait même maintenant autour des 300$ US. Extrapolons un peu: si l'on utilise cette dernièere statistique et qu'on la convertit en dollars canadiens, c'est dire qu'il pourrait y avoir plus de 6 000$ de batteries (au lithium-ion) dans la nouvelle Chevrolet Volt (18,4 kWh), pour près de 10 000$ dans la Nissan Leaf S et potentiellement plus de 33 000$ dans les Tesla Model S85.
Voilà qui représente, sous toute réserve, à peu près le tiers de la facture d'un véhicule électrique. Pas étonnant, alors, de voir émerger un marché de la batterie automobile usagée. Et les constructeurs sont les premiers à vouloir en profiter.
Certes, l'expérience électrique telle qu'on la connaît aujourd'hui n'a cours que depuis une moitié de décennie. On ne sais donc toujours pas après combien d'années ou de kilomètres les batteries auront trop perdu de leur capacité pour suffire à la tâche. Les constructeurs garantissent ces composantes pendant (généralement) 8 ans/160 000 km. Et ils estiment que, après 10 ans, les batteries auront predu de 20 à 30% de leur rendement. Plus assez performantes pour mouvoir des véhicules de plus ou moins 2 000 kg, elles pourront quand même servir à des tâches plus légères - stocker de l'énergie solaire ou autre par exemple.
Justement, chez GM, l'équipe du centre d'ingénierie d'Oshawa, en Ontario, a développé un système qui annexe les batteries usagées de cinq Chevrolet Volt à des panneaux solaires et à des turbines éoliennes. Ce dispositif alimente en électricité le nouveau centre de technologie de l'information (TI) de GM au Michigan, contribuant ainsi à sa certification environnementale LEED Or: L'édifice de 40 000 pieds carrés et son stationnement - soit l'équivalent d'une douzaine de maisons - sont encore reliés au réseau public auquel le centre retourne de l'énecgie lorsqu'il en a en surplus. Il est ainsi prévu d'en arriver à des coûts nuls en énergie sur un an.
Le programme est à peu près semblable chez BMW. À son centre technologique de Mountain View, dans le nord de la Californie, des batteries usagées de MINI-e totalisent 200 kWh s'alimentent à même des panneaux solaires. En vertu d'un logiciel perfectionné, l'unité de stockage redistribue son énergie au réseau électrique, en heures d'affluence. Le fait qu'une énergie renouvelable soit redonnée par ceux qui, justement, ont auparavant utilisé la ressource a valu à BMW (et à son partenaire Pacific Gas and Electric Company) le prix nord-américain 2015 de l'Innovation du stockage d'énergie.
Nissan, le plus grand joueur sur la scène automobile électrique, avec plus de 200 000 Nissan Leaf vendues de par le monde depuis 2010, a été l'un des premiers constructeurs à imaginer une seconde vie pour les batteries de ses véhicules. Il y a un an, il s'est associé à la californienne Green Charge Networks, qui proposait déjà des unités commerciales de stockage d'énergie aux entreprises désireuses de résuire la facture d'électricité en heure de pointe - notamment, UPS et Walgreens. Avec des stations fabriquées à partir de batteries recyclées de Nissan Leaf, et donc moins coûteuses que des neuves, Green Charge Networks dit pouvoir en arriver à des tarifs encore plus concurrentiels.
Dans la tête d'Elon Musk, grand patron de Tesla, firme californienne qui ne vend que des véhicules électriques, pas besoin d'attendre que les batteries d'automobiles s'usent pour les utiliser à d'autres fins. Suffit d'en construire des neuves, à des prix défiant toute concurrence.
Justement, ce créateur de Paypal et fondateur de l'aérospatiale Space X construit actuellement une "giga-usine" en banlieue de Reno, au Nevada. L'objectif premier de cet investissement de cinq milliards de dollars est l'assurance d'une production ininterrompue, à des prix qui ne fluctuent pas au gré des marchés.
Cette usine de 10 millions de pieds carrés, qui devrait produire autant de piles au lithium-ion qu'il s'en est annuellement produit dans le monde entier en 2013, ne se limitera pas aux batteries de Tesla. Des PowerWall et des PowerPack de 7 kWh y seront fabriquées d'ici la fin 2016. Des plus polyvalentes, ces unités de stockage d'énergie pourront se brancher à la prise domiciliaire, se connecter aux édifices, voire s'apparier à des panneaux solaires. Surtout, elles s'adresseront autant au résidentiel qu'à l'industriel. De tous les programmes mis en avant ces derniers mois, celui de Tesla est probablement celui qui profitera le plus aux consommateurs. Dailleurs, quelques semaines après l'annonce de la prochaine commercialisation de ces PowerWall et PowerPack, plus de 100 000 personnes avaient commandé leur unité.
Il y a cina ans, ç'aurait été fou de penser que les batteries automobiles seraient un jour assez nombreuses sur le marché pour que de tels plans d'affaires puissent être concoctés. Mais considérant les récents dépoiements - et la vitesse à laquelle d'autres programmes s'ajoutent - , on peut se mettre à rêver du moment où une grande partie de nos bureaux et de nos domiciles seront intelligemment fournis en électricité par des batteries automobiles, usagées ou pas.